La canicule marine, encore peu connue du grand public, pourtant en nette augmentation depuis les années 1980. Ce phénomène, désormais suivi de près par les océanographes, affecte durablement les écosystèmes marins et les activités humaines. Il se caractérise par une élévation anormale et persistante de la température de surface de la mer sur une durée de plusieurs jours à plusieurs mois.
Article et photographies de Damien Lafon.

Définition de la canicule marine
Une canicule marine survient lorsque la température de surface de la mer reste anormalement élevée pendant plusieurs jours d’affilée. Les scientifiques parlent de canicule lorsque cette température dépasse les valeurs normales de saison, selon un seuil statistique précis. Pour qualifier cet épisode, la hausse doit durer au moins cinq jours consécutifs au-dessus de la moyenne saisonnière. Ce type de phénomène apparaît souvent quand la météo reste stable : peu de vent, ciel dégagé et pression atmosphérique élevée.
Quelles sont les origines et facteurs aggravants
Les canicules marines sont causées par des interactions complexes entre l’océan et l’atmosphère. Les systèmes anticycloniques bloquants peuvent provoquer un chauffage excessif de la surface océanique. La réduction du mélange vertical des eaux empêche alors la dissipation de la chaleur accumulée.
Le réchauffement climatique global joue un rôle central dans la fréquence accrue de ces événements. Selon l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le nombre de canicules marines a doublé entre 1982 et 2016. Les projections indiquent qu’elles pourraient devenir jusqu’à dix fois plus fréquentes d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas.
Le cas de la Méditerranée
La mer Méditerranée, semi-fermée et très réactive aux changements climatiques, est un véritable laboratoire à ciel ouvert pour l’étude des canicules marines. En 2022, la Méditerranée a connu l’une des vagues de chaleur marine les plus longues jamais enregistrées, avec des températures supérieures à 28 °C pendant plusieurs semaines.
Ce réchauffement prolongé a entraîné des mortalités massives chez les invertébrés et les espèces fixées. Parmi les plus touchées, on trouve les gorgones pourpres (Paramuricea clavata), espèce endémique du bassin occidental. Ces coraux mous, qui jouent un rôle d’ingénieur d’écosystème, ont vu leurs populations décliner dans certaines zones côtières, notamment en Provence et en Catalogne.
Le saviez-vous ?
Le phénomène appelé « Blob » dans le Pacifique Nord a duré plus de trois ans, perturbant la chaîne alimentaire jusqu’à l’Alaska.

Comparaison avec d’autres régions du globe
Si la Méditerranée est une zone d’observation privilégiée, d’autres régions du monde sont également touchées par des canicules marines. L’Atlantique Nord a enregistré plusieurs épisodes intenses, notamment près de Terre-Neuve. Dans le Pacifique Nord, le « Blob », détecté entre 2013 et 2016, a provoqué une perturbation majeure de la chaîne alimentaire, allant jusqu’à affecter les populations de saumons et d’otaries en Alaska. L’Océan Indien, plus difficile à surveiller, est lui aussi concerné, avec des effets notables sur la biodiversité corallienne.
Impacts écologiques et humains
Les canicules marines fragilisent l’ensemble des chaînes trophiques. Le blanchissement des coraux, les mortalités d’espèces benthiques et les modifications des migrations de poissons ont déjà été observés. Les activités économiques côtières comme la pêche, le tourisme et l’aquaculture en subissent les conséquences.
Dans certaines régions, les canicules marines ont entraîné la fermeture temporaire de pêcheries, des baisses de production dans les fermes aquacoles et des épisodes de mortalité massive chez les moules, huîtres et poissons. Ces pertes représentent un coût économique considérable pour les populations locales qui dépendent des ressources marines.
Les assurances maritimes commencent à intégrer ces risques dans leurs calculs, car la fréquence et l’intensité des événements ne cessent d’augmenter. La gestion des zones côtières devra s’adapter à ces nouvelles réalités climatiques.
Adaptations écologiques et recherche en cours face à la canicule marine
Face à ces dérèglements, certaines espèces marines modifient leurs comportements ou migrent vers des eaux plus tempérées. Les populations de poissons pélagiques, comme les maquereaux ou les sardines, changent de zone de frai ou de distribution. Les scientifiques observent également des adaptations physiologiques chez certains invertébrés, mais ces réponses ne suffisent souvent pas à compenser les effets thermiques extrêmes.
La recherche s’intensifie pour évaluer la résilience des écosystèmes. Des projets pilotes en Méditerranée et dans les Caraïbes visent à restaurer des habitats coralliens à partir de souches thermorésistantes. Des aires marines protégées adaptatives sont également expérimentées, afin de limiter les pressions anthropiques sur les zones les plus sensibles durant les pics de température.
Surveillance et solutions
Les agences comme l’IFREMER et le programme Copernicus surveillent ces phénomènes en temps réel. Des modèles prévisionnels intègrent désormais les canicules marines dans les scenarii climatiques. Il est crucial de protéger les zones sensibles, réduire les pollutions locales et soutenir la résilience écologique par des mesures de restauration.
Certaines stratégies incluent l’alerte précoce pour les professionnels de la mer, le développement de refuges thermiques naturels, et l’adaptation des pratiques aquacoles en sélectionnant des espèces plus résistantes. La coopération internationale joue un rôle essentiel pour coordonner les réponses scientifiques et politiques face à cette menace globale.
Le saviez-vous ?
En 2022, plus de 90 % de la mer Méditerranée a connu des températures au-dessus des normales historiques pendant plus de 40 jours consécutifs.

Que faut-il retenir de la canicule marine ?
Les canicules marines ne sont pas un phénomène du futur : elles affectent déjà de manière concrète les écosystèmes marins. Leur augmentation souligne l’urgence d’agir sur le climat, mais aussi de repenser nos pratiques côtières. Comprendre, prévoir et réagir face à ces vagues de chaleur sous-marines devient une priorité pour l’océan comme pour l’humanité.
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