Les glaciers de Patagonie, situés entre 41° et 56° de latitude sud, sont parmi les plus vastes réservoirs de glace au monde hors des régions polaires. Ces masses glacées, qui composent les champs de glace Nord et Sud, jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau, la stabilité climatique et la régulation du niveau des océans. Mais depuis plusieurs décennies, ces glaciers sont en recul rapide, affectés par les effets combinés du réchauffement climatique et de l’évolution des régimes atmosphériques.
Article de Damien Lafon et Photographies de Svetlana Markoff

L’état actuel des glaciers patagoniens
Les glaciers du Sud de la Patagonie, comme le Perito Moreno, l’Upsala ou encore le Jorge Montt, font l’objet de nombreuses études scientifiques. Le champ de glace Sud couvre à lui seul près de 13 000 km². Bien que le Perito Moreno reste relativement stable, la plupart des autres glaciers sont en forte régression.
Depuis les années 1940, la fonte cumulée a dépassé 1 300 gigatonnes. Le taux de perte s’est fortement accéléré depuis les années 2000. Une étude publiée par Nature en 2024 a montré que le ruissellement de surface, causé par des températures plus élevées, est devenu le principal moteur de la fonte glaciaire. Les glaciers à terminaison terrestre et de petite taille, inférieurs à 5 km², se rétractent plus vite que les grandes masses de glace marines. Le glacier Upsala, par exemple, a reculé de plus de 10 km depuis le début du XXe siècle.
Dynamiques historiques et tendances
Depuis la fin du Petit Âge glaciaire (vers 1870), les glaciers de Patagonie ont perdu plus de 2 000 km² de surface cumulée. La vitesse de recul s’est accélérée de manière significative entre 1986 et 2016. Entre 2001 et 2011, le taux annuel moyen de perte atteignait 0,22 % de la surface glaciaire. Certains glaciers présentent des comportements atypiques. Le glacier Brüggen, par exemple, a connu une avancée de 5 km entre 1945 et 1976, phénomène appelé « surge ». Toutefois, ce type d’événement reste rare.
Les glaciers chiliens méconnus
Outre les grands glaciers argentins, de nombreux glaciers chiliens comme San Rafael, Exploradores ou Gualas méritent une attention accrue. Le San Rafael, accessible uniquement par bateau ou avion, se jette directement dans la mer, formant des icebergs dans la lagune éponyme. Ces glaciers sont surveillés de près car leur fonte alimente de puissants fleuves côtiers et influence les écosystèmes marins.
Le glacier Exploradores, situé près de la Carretera Austral, recule à un rythme inquiétant. Il a perdu environ 15 % de sa surface en 30 ans. Ces cas illustrent l’urgence de renforcer la recherche sur les petits glaciers andins, souvent négligés mais essentiels pour les bassins hydrographiques locaux.
Le saviez-vous ?
Plus de 245 volcans potentiellement actifs sont enfouis sous la glace en Patagonie. Leur activité pourrait être réactivée par le relâchement de pression lié à la fonte glaciaire.

Impacts environnementaux et sociétaux
La fonte des glaciers a un impact direct sur la montée du niveau des mers. Les glaciers patagoniens contribuent significativement à cette élévation. La disparition progressive des glaciers menace également les réserves d’eau douce utilisées par les communautés andines. Cela pose un risque pour l’agriculture, la production hydroélectrique et la biodiversité locale. Sur le plan géologique, le relèvement isostatique, induit par la perte de masse glaciaire, peut déclencher des glissements de terrain ou des crues glaciaires brutales.
Conséquences pour les peuples autochtones
Les peuples autochtones tels que les Mapuches, Tehuelches ou Kawésqar sont en première ligne face à ces bouleversements. Le recul des glaciers modifie leur territoire ancestral, leurs sources d’eau et les rythmes de la faune. Dans certains cas, des sites sacrés liés à la glace disparaissent. Pour ces communautés, le glacier est aussi un marqueur culturel, spirituel et identitaire. Les changements forcent parfois les populations à adapter leur mode de vie, voire à se déplacer. Cela souligne l’importance d’inclure les savoirs autochtones dans les politiques climatiques locales.
Technologies de suivi et recherche scientifique
Les scientifiques utilisent aujourd’hui des satellites haute résolution, des capteurs in situ et des drones pour suivre la dynamique glaciaire. Ces outils permettent de détecter les pertes de masse, la vitesse d’écoulement et la formation de lacs glaciaires. La modélisation 3D des surfaces englacées aide à prévoir les risques de crue et à anticiper les scénarios de fonte. Des chercheurs intègrent aussi les données glaciologiques aux modèles climatiques régionaux pour mieux comprendre les rétroactions. Les centres de recherche au Chili et en Argentine collaborent également avec des institutions internationales afin d’élaborer des stratégies de surveillance à long terme.
Le saviez-vous ?
Alors que les précipitations neigeuses restent relativement stables, la fonte de surface a plus que triplé depuis 1940.

Scénarios futurs et mesures nécessaires
Les projections climatiques indiquent que la fonte s’accélérera si la température mondiale dépasse 2 °C. En revanche, un scénario de stabilisation à +1,5 °C limiterait la perte de masse glaciaire. Les scientifiques recommandent de renforcer les observations par satellite et sur le terrain. Il est également essentiel d’intégrer la dynamique glaciaire aux modèles climatiques régionaux. Enfin, l’éducation, la préservation des régions glaciaires et une action climatique coordonnée restent les leviers les plus efficaces pour freiner cette disparition.
Qu’en sera t’il dans le futur ?
Les glaciers de Patagonie, bien que majestueux et puissants, sont aujourd’hui en grand danger. Leur fonte rapide affecte non seulement l’écosystème local mais contribue aussi aux bouleversements climatiques à l’échelle planétaire.
Pour les chercheurs, la priorité reste la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et l’accès à des données plus précises. Seule une action rapide et globale permettra de conserver ces témoins glacés de notre passé, essentiels à notre avenir.
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