Dans les plaines humides d’Afrique subsaharienne, l’hippopotame évolue entre deux mondes. Il passe ses journées immergé, ne laissant dépasser que ses yeux, ses oreilles et ses narines. La nuit venue, il quitte les rivières pour brouter sur la terre ferme. Cet animal massif, à l’aspect placide, joue pourtant un rôle essentiel dans les écosystèmes aquatiques et terrestres.
Article de Damien Lafon et photographies de Cécile Ducreux

Le mode de vie semi-aquatique unique de l’hippopotame
L’hippopotame commun (Hippopotamus amphibius) est parfaitement adapté à la vie dans l’eau. Sa peau sécrète un liquide rosé aux propriétés antiseptiques. Il ferme automatiquement ses narines et ses oreilles lorsqu’il plonge. Son corps dense lui permet de se déplacer facilement au fond des rivières, en marchant plus qu’en nageant.
Pourtant, malgré cette vie aquatique, le régime alimentaire de l’hippopotame est entièrement terrestre. Chaque nuit, il quitte les cours d’eau pour parcourir plusieurs kilomètres à la recherche d’herbe. Ce va-et-vient quotidien entre deux environnements est à l’origine de sa contribution écologique.
L’hippopotame, un ingénieur des écosystèmes
L’hippopotame joue un rôle écologique majeur dans la fertilisation des écosystèmes aquatiques. En effet, ses déjections, riches en azote et en phosphore, nourrissent les algues et les micro-organismes. Ces nutriments favorisent la croissance du plancton, à la base de nombreuses chaînes alimentaires aquatiques.
De plus, en creusant le lit des rivières par leurs déplacements, les hippopotames modifient légèrement le cours de l’eau. Cela influence la répartition des bancs de sable et la création de petits canaux latéraux. Ainsi, ils participent à la dynamique naturelle des zones humides.
Néanmoins, cette activité, autrefois équilibrée, pose aujourd’hui des défis nouveaux.
Des conflits croissants avec les populations locales
Avec la croissance démographique en Afrique, les conflits homme-hippopotame sont de plus en plus fréquents. Les hippopotames quittent les rivières pour se nourrir dans les champs. Leurs passages nocturnes provoquent d’importants dégâts sur les cultures vivrières.
En réaction, certains agriculteurs recourent à des mesures de protection agressives. Cela engendre des affrontements. Dans plusieurs régions, le hippopotame est désormais perçu comme une menace directe.
Malgré son apparence calme, l’hippopotame peut se montrer extrêmement dangereux s’il se sent menacé. Il protège farouchement son territoire, notamment en période de reproduction ou lorsqu’il est avec ses petits. Chaque année, plusieurs centaines d’incidents graves sont recensés.
Le saviez-vous ?
Le mot “hippopotame” vient du grec ancien et signifie “cheval de rivière”, bien qu’il ne soit pas du tout apparenté aux équidés.

Une population en déclin discret
Selon l’UICN, l’hippopotame commun est classé comme espèce vulnérable. Bien que sa présence reste importante en Afrique de l’Est, certaines populations ont fortement chuté. La perte de zones humides, la pollution de l’eau et le braconnage aggravent la situation.
Le commerce illégal de dents d’hippopotame, utilisées en remplacement de l’ivoire d’éléphant, contribue également à la pression sur l’espèce. Dans certaines zones reculées, les effectifs ne sont plus comptabilisés avec précision, ce qui complique leur protection.
Des projets de conservation en évolution
Face à ces menaces, plusieurs ONG et parcs nationaux mettent en place des initiatives de conservation. Certaines visent à restaurer les berges, créer des couloirs écologiques et sensibiliser les populations locales.
Par exemple, en Tanzanie, des programmes communautaires associent les agriculteurs à la protection des rivières. Des barrières végétales ou sonores sont testées pour éloigner les hippopotames des cultures. Ces solutions douces, encore expérimentales, permettent de limiter les tensions.
D’autres projets misent sur la science participative. Des chercheurs travaillent avec les habitants pour identifier les lieux de conflit. Ensemble, ils définissent des zones à protéger ou des périodes d’alerte.
Un regard scientifique renouvelé
Longtemps considéré comme un animal robuste et peu menacé, l’hippopotame fait l’objet d’une attention croissante. Les chercheurs s’intéressent désormais à son impact sur les bassins fluviaux, à ses interactions sociales et à son rôle dans la transmission de certaines maladies.
Par ailleurs, l’analyse de son comportement vocal, notamment les grognements sous-marins, ouvre de nouvelles pistes d’étude. Ces sons serviraient à maintenir la cohésion des groupes ou à signaler la présence d’intrus.
Des suivis par balises GPS permettent aussi d’identifier les routes migratoires saisonnières. Ces données aident à planifier des mesures de gestion plus efficaces, fondées sur la réalité du terrain.
Le saviez-vous ?
L’hippopotame est l’un des animaux les plus dangereux d’Afrique en termes de conflits directs avec les humains.

L’avenir de l’hippopotame en Afrique
Aujourd’hui, la conservation de l’hippopotame dépend d’une approche équilibrée. Il ne s’agit pas seulement de protéger l’espèce, mais aussi de garantir la coexistence avec les communautés humaines.
Cela implique une meilleure gestion des terres, une éducation adaptée, et surtout, une écoute active des besoins locaux. En valorisant les connaissances traditionnelles, les programmes de conservation gagnent en légitimité et en efficacité.
L’hippopotame, souvent discret dans les débats écologiques, mérite une place centrale dans la réflexion sur la biodiversité africaine. Son rôle va bien au-delà de sa silhouette familière : il relie les rivières à la terre, les humains aux cycles naturels.
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