Autrefois surnommé le pays du million d’éléphants, le Laos fait aujourd’hui face à une réalité plus fragile. L’éléphant d’Asie (Elephas maximus), espèce emblématique de la région, voit sa population décliner rapidement. Face aux défis posés par la déforestation, le tourisme de masse et la précarité des cornacs, le pays cherche à construire un nouveau rapport au vivant. Tradition, science et action locale se croisent désormais dans une volonté de réconciliation durable.
Article de Damien Lafon et photographies de Laos Autrement.

Une espèce en déclin, un symbole en sursis
L’éléphant tient une place centrale dans la culture laotienne. Il symbolise la prospérité, la force et la sagesse. Présent dans les mythes, les récits anciens et les rituels religieux, il participe à l’identité même du pays. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Il resterait environ 400 éléphants domestiqués et 500 éléphants sauvages, concentrés principalement dans les forêts du sud.
La région de Champassak, autrefois peuplée d’éléphants, en compte désormais très peu. Comme l’explique Sandrine Blondeau, spécialiste de la destination chez Laos Autrement :
« Depuis la pandémie, beaucoup d’éléphants ont été vendus à des exploitants privés. Leur disparition de certaines zones est presque totale. »
Les principales menaces restent la perte d’habitat, l’exploitation forestière, les conflits homme-animal et le braconnage. La fragmentation des forêts empêche les déplacements, accentuant le stress et réduisant les naissances.
Du travail au tourisme : les éléphants d’Asie en transition
Jusqu’aux années 1990, les éléphants jouaient un rôle important dans le débardage du bois. La restriction de l’exploitation forestière a obligé les cornacs à se réorienter. Le tourisme est rapidement devenu une source de revenu majeure. Cependant, il a souvent conduit à des pratiques nocives.
L’usage de nacelles (howdah), les longues marches sous le soleil ou le dressage à la chaîne ont suscité de nombreuses critiques. Certaines structures privilégient la rentabilité au détriment du bien-être animal. Par ailleurs, ces conditions raccourcissent l’espérance de vie des éléphants en captivité.
Heureusement, une prise de conscience émerge. De plus en plus de voyageurs recherchent des expériences éthiques. Les cornacs, acteurs clés de cette évolution, peuvent devenir des ambassadeurs d’un tourisme plus respectueux.
Cornacs et éléphants d’Asie du Laos : une relation à préserver
Les cornacs, appelés mahouts dans d’autres pays asiatiques, partagent une vie entière avec leur éléphant. Cette relation, fondée sur la proximité, repose sur l’observation quotidienne et des rituels de confiance.
Cependant, leur situation est souvent précaire. Faiblement rémunérés, parfois marginalisés, ils n’ont pas toujours les moyens de se tourner vers des pratiques alternatives. C’est pourquoi certaines associations locales les accompagnent dans leur reconversion.
Former les cornacs à de nouveaux métiers liés à l’écotourisme ou à la médiation culturelle permet de renforcer leur rôle. Il est également crucial de préserver leur savoir ancestral, aujourd’hui menacé de disparition.
Le Saviez-vous ?
Les mâles éléphants d’Asie traversent une période appelée musth, caractérisée par une montée hormonale et une agressivité accrue. Elle est vitale pour la reproduction.

Sanctuaires et écotourisme au Laos : vers une nouvelle approche
Des solutions émergent sur le terrain. À Sayaboury, l’Elephant Conservation Center (ECC), créé en 2011, accueille des éléphants issus de l’industrie touristique ou forestière. L’objectif est triple : réhabilitation, soins médicaux et réintroduction en semi-liberté.
Les visiteurs peuvent observer les éléphants, mais toujours à distance, sans interaction directe. Ce modèle, fondé sur la patience et l’observation, offre une expérience plus authentique. Il met aussi en avant la réalité de la conservation.
À Pakbeng et Luang Prabang, d’autres initiatives combinent écotourisme, reboisement et sensibilisation des visiteurs. Ces projets valorisent les forêts tout en assurant des revenus à long terme pour les communautés locales.
Spiritualité, science et transmission
Dans la tradition laotienne, la cérémonie du Baci occupe une place centrale. Selon les croyances, chaque personne possède 32 âmes (khouan). L’éléphant est le seul animal à bénéficier de ce statut particulier. Il peut donc recevoir un Baci lors d’une naissance, d’un soin ou d’un changement de lieu.
Cette cérémonie illustre le lien unique entre humains et éléphants. Elle rappelle que leur place ne se limite pas à une fonction économique, mais touche aussi au spirituel.
Par ailleurs, les recherches scientifiques ont confirmé leurs capacités cognitives exceptionnelles. Les éléphants possèdent une mémoire impressionnante, savent utiliser des outils et font preuve d’empathie. En croisant ces connaissances avec les traditions locales, il devient possible de créer une conservation plus intégrée.
Vers une cohabitation durable avec l’éléphant d’Asie
Préserver les éléphants d’Asie, c’est aussi protéger les forêts tropicales humides, essentielles à l’équilibre climatique et à la biodiversité. Le Laos peut devenir un modèle si les efforts s’intensifient.
Pour cela, plusieurs actions restent prioritaires :
- La création de corridors écologiques reliant les zones protégées ;
- La régulation stricte du tourisme animalier ;
- Le soutien aux communautés locales, notamment aux jeunes cornacs ;
- Et une éducation environnementale renforcée dès l’école.
Le Saviez-vous ?
L’éléphant d’Asie possède une trompe dotée d’un seul “doigt” terminal, contrairement à son cousin africain. Cette adaptation le rend plus habile dans les forêts denses.


Repenser notre lien avec les éléphants implique de reconnaître leur rôle, non pas comme une simple ressource, mais comme un partenaire de coévolution. Dans un monde confronté aux crises climatiques et sociales, ce type d’alliance devient essentiel.
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