Dans l’est de Java, le volcan Ijen attire chaque nuit randonneurs, scientifiques et curieux venus observer un phénomène rare : des flammes bleues surgissant d’un cratère acide. Derrière cette image spectaculaire se cache une réalité bien plus complexe, faite de labeur, de fumées toxiques et de tensions entre tourisme et survie locale.
Article de Damien Lafon et Photographies de Quentin Tournier.

Ijen, volcan en activité… et en observation
Au cœur de l’est javanais, dans la région de Banyuwangi, le volcan Ijen attire chaque nuit des dizaines de marcheurs. Ils gravissent ses flancs pour atteindre un lieu unique au monde : un cratère d’un bleu éclatant, rempli d’un lac acide, d’où jaillissent parfois d’étranges flammes bleues. Mais que sait-on vraiment de ce lieu qui mêle beauté minérale et dureté humaine ?
Que cache ce cratère bleu du volcan Ijen?
Le lac du cratère du Kawah Ijen est situé à 2 386 mètres à l’est de Java en Indonésie, il est reconnu comme l’un des lacs les plus acides au monde. Des mesures scientifiques ont relevé des valeurs de pH extrêmement basses, inférieures à 0,3 dans certaines zones du lac. Cette acidité extrême est comparable, voire supérieure, à celle de l’acide de batterie, qui a généralement un pH d’environ 0,5.
Ces flammes sont-elles dangereuses ?
Oui. Le phénomène est spectaculaire, mais les conditions sont extrêmes. La combustion du gaz peut atteindre 600°C. Pour y accéder, les visiteurs débutent l’ascension vers 1h du matin. Des masques à gaz sont indispensables. Sans eux, les fumées acides irritent les yeux, la gorge et les poumons. Pourtant, chaque nuit, des groupes entiers prennent le risque de s’approcher du cratère.
Le saviez-vous ?
Le phénomène des flammes bleues ne se produit qu’à trois endroits dans le monde : en Indonésie, en Éthiopie et en Islande.

Qui descend chaque jour dans le cratère ?
Ce ne sont pas les touristes. Ce sont les porteurs de soufre. Ces hommes extraient à la main des blocs jaunes solidifiés, puis remontent à pied, chargés de 60 à 90 kg. Ils marchent ensuite plusieurs kilomètres pour les déposer dans un dépôt. En échange, ils touchent quelques euros. Beaucoup travaillent sans protections, malgré les gaz toxiques. Leur rythme de vie est dicté par la fumée et la roche.
Pourquoi acceptent-ils ce travail ?
Parce qu’ils n’ont souvent pas le choix. Dans les villages voisins, l’extraction du soufre fait partie du quotidien depuis des générations. Le volcan, malgré ses fumées acides et ses dangers, offre un revenu plus stable que les rares alternatives disponibles. À environ 1 000 roupies le kilo, soit moins de dix centimes d’euro et chaque charge transportée permet de gagner l’équivalent de 5 à 10 euros par jour. Certains considèrent ce labeur comme un métier à part entière, digne et transmis. D’autres rêvent d’un départ, d’une vie différente. Mais tous s’accordent sur une chose : le Kawah Ijen fait vivre autant qu’il use.
Le tourisme transforme-t-il le volcan Ijen ?
Oui, et à grande vitesse. Ces dernières années, l’ascension du volcan Ijen est devenue une activité prisée. Cela modifie les équilibres locaux. Le sentier est éclairé par les frontales des visiteurs. Les déchets s’accumulent. L’afflux de curieux perturbe parfois le travail des porteurs. Certains guides militent pour une meilleure régulation. Le parc, de son côté, envisage de limiter les accès nocturnes.
Le saviez-vous ?
Le soufre extrait à Ijen est utilisé dans l’industrie pharmaceutique, cosmétique, mais aussi pour blanchir le sucre.

Quel est l’impact environnemental ?
Le volcan modèle depuis toujours les terres environnantes. Ses cendres rendent les sols fertiles. Mais l’activité humaine perturbe cet équilibre. Les fumées acides, transportées par les vents, abîment les forêts proches. Les rejets de plastique et de déchets laissent des traces. Le lac, lui, reste stérile. Aucune vie ne résiste à son acidité.
Des initiatives locales émergent-elles ?
Oui. Certaines cherchent à mieux valoriser le site, sans l’épuiser. Des programmes forment les guides à la sécurité et à la préservation. Des ONG distribuent des masques aux mineurs. Quelques projets touristiques intègrent les communautés locales. Mais ces efforts restent fragiles. Ils nécessitent un soutien durable, à la hauteur des enjeux.
Quand visiter le volcan Ijen ?
La saison sèche, de mai à octobre, offre les meilleures conditions. Le ciel est dégagé et les sentiers sont praticables. En saison des pluies, l’accès peut devenir dangereux. La montée est glissante, et la visibilité, réduite. Il est conseillé de se renseigner sur les conditions avant tout départ.
Que retient-on de cette visite ?
Le volcan Ijen est un lieu de contrastes. Il fascine, mais il interroge. Son cratère révèle une beauté rude, traversée par des hommes en lutte. Les flammes bleues attirent, mais elles cachent une réalité souvent ignorée. Ce site rappelle que derrière chaque image spectaculaire, il existe une histoire humaine, souvent silencieuse.
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