Au cœur du Laos, dans la province de Xieng Khouang, se trouve un endroit unique. Dispersées sur plusieurs sites, des milliers de jarres en pierre intriguent chercheurs et voyageurs. Ce vaste ensemble, connu sous le nom de Plaine des Jarres, mêle mystère archéologique et devoir de mémoire. Il s’agit de l’un des lieux les plus emblématiques du pays.
Article de Damien Lafon en collaboration avec Sandrine Blondeau, co-fondatrice de l’agence Laos Autrement

Plaine des Jarres : un site archéologique aux origines mystérieuses
Sur les hauteurs brumeuses de la région, les jarres surgissent du sol comme les témoins d’un autre monde. Certaines mesurent deux mètres de haut. D’autres sont fissurées, brisées, mais toujours debout. On en recense plus de 2 000 sur près de 90 sites.
Leur origine reste débattue. Selon les hypothèses dominantes, ces jarres auraient servi à des rites funéraires entre 500 av. J.-C. et 500 apr. J.-C. Des ossements humains, des perles et des outils retrouvés à proximité confortent cette idée. Toutefois, aucune certitude ne vient trancher le débat. D’autres thèses évoquent des contenants de vin de riz ou des récipients pour collecter l’eau.
Les archéologues laotiens et internationaux poursuivent les recherches. En 2019, l’UNESCO a inscrit le site au patrimoine mondial, saluant sa richesse culturelle et sa complexité historique. Cette reconnaissance internationale contribue à sa préservation.
Plaine des Jarres : marquée à jamais par la guerre secrète
Entre les pierres anciennes, le sol garde des cicatrices toujours visibles. De 1964 à 1973, le Laos devient, sans déclaration de guerre formelle, l’un des pays les plus bombardés au monde. Dans l’ombre de la guerre du Vietnam, les États-Unis mènent une campagne clandestine, « la guerre secrète », contre le Pathet Lao et les troupes communistes du Nord-Vietnam.
Pendant neuf ans, plus de deux millions de tonnes de bombes sont larguées sur le Laos. Au Sud Laos, les Américains tentent d’interdire la piste Ho Chi Minh. Cette route logistique majeure est utilisée par les troupes du Nord Vietnam pour l’approvisionnement des combattants du Sud Vietnam, en contournant la frontière marquée par le 17e parallèle. Au Nord Laos, les opérations visent la province de Xieng Khouang. Ce territoire stratégique ouvre les vallées conduisant vers Luang Prabang, la capitale royale ou vers Vientiane, siège du gouvernement lao.
Résultat : un champ de ruines. Près de 30 % des bombes n’explosent pas. Ces UXO (munitions non explosées) continuent de menacer les habitants et perturbent toujours un véritable développement économique de la région.
Comme le souligne Sandrine Blondeau de Laos Autrement, une agence spécialisée dans les voyages responsables au Laos : « Il faut être à l’écoute de son guide et ne pas s’écarter des zones déjà sécurisées. Tous les sites existants ne sont pas ouverts au public. Cependant les sites que l’on peut visiter sont sans risque pour les voyageurs.»
Des organisations telles que le Mines Advisory Group (MAG) effectuent un travail formidable. Formant les Laotiens à ces difficiles opérations, elles contribuent activement au déminage du pays et rendent ainsi de plus en plus de zones sûres.
Le saviez-vous ?
Le site principal, Thong Hai Hin, signifie littéralement “la plaine des jarres en pierre” Certaines pèsent plus de six tonnes.

Plaine des Jarres : entre protection, tourisme et mémoire vivante
Malgré les dangers encore présents, la région renaît lentement. Grâce aux efforts conjoints des autorités locales et des ONG un tourisme responsable se développe. Il s’agit de protéger les sites, tout en générant une activité durable pour les populations locales.
Les circuits sont pensés pour sensibiliser. Ils intègrent des visites de sites historiques, des rencontres avec les communautés. “Notre approche repose sur le respect du territoire et des habitants. Nous privilégions les petits groupes, l’écoute et le partage.” précise Sandrine Blondeau.
Aujourd’hui, les habitants du Laos partagent leurs expériences du passé. Ils évoquent la guerre, les années vécues dans les grottes et les pertes personnelles. Ces témoignages sont souvent bouleversants. On peut les découvrir au Musée Provincial de Phonsavanh, ou bien dans les expositions des associations MAG et UXO Laos, de la COPE à Vientiane…
Ces récits contribuent à ce que la région évolue grâce à la transmission de la mémoire, plutôt que de rester figée par les événements passés.
Plaine des Jarres : un patrimoine à transmettre
Les générations actuelles perpétuent les légendes attachées aux jarres. On parle de géants qui les auraient sculptées, ou encore d’un grand roi utilisant ces récipients pour stocker le lao-lao, l’alcool de riz, destiné à récompenser ses troupes pour leur imposante victoire. Ces récits, transmis oralement, ajoutent une dimension poétique au site.
Dans les écoles de la zone, les enseignants, aidés des associations spécialisées, sensibilisent les enfants aux dangers des munitions non explosées (UXO), en particulier lorsqu’ils jouent ou trouvent des objets métalliques. C’est aussi un moyen de leur parler du passé de la région.
Le village de Ban Napia, souvent surnommé le « village des bombes », transforme une partie de ce dangereux héritage en une source de revenu et de subsistance. Les familles collectent l’aluminium provenant des débris de bombes déjà explosées, et transforment ce métal en objets du quotidien et en pièces d’artisanat. C’est une manière unique de préserver la mémoire tout en contribuant au développement économique local.
Explorer la Plaine des Jarres aujourd’hui : conseils pratiques
Visiter la Plaine des Jarres est une expérience unique, mais pour vraiment en comprendre la richesse et la complexité, il est recommandé de se faire accompagner. En choisissant de partir avec un guide local ou une agence comme Laos Autrement, vous bénéficierez d’une visite en toute tranquillité et d’une compréhension plus profonde de ce lieu unique et de ses habitants. Les guides locaux peuvent
partager des témoignages de vie et des perspectives que vous ne trouverez dans aucun guide touristique. Les routes depuis Luang Prabang ou Vientiane restent souvent difficiles mais la ville de Phonsavan dispose d’un aéroport qui vient d’être modernisé avec des vols réguliers avec Vientiane. Un projet de route express entre Vientiane et Hanoï, raccourcissant les temps de trajet et assurant un meilleur confort de route, permettra de désenclaver la plaine des jarres.
Chaque site présente ses propres spécificités : nombre et taille des jarres, disposition, panorama… On visite principalement les trois sites les plus proches de Phonsavanh. Un autre site est accessible seulement par un trek avec un guide spécialisé.
En tant que visiteur, il est recommandé de rester sur les sentiers balisés et les zones clairement indiquées comme sûres, en particulier dans les régions rurales. En suivant ces simples précautions, vous pourrez profiter pleinement de la beauté et de la richesse culturelle du Laos en toute sérénité. Les guides locaux connaissent bien leur région et sont là pour garantir une visite sereine et informative.
Le saviez-vous ?
Chaque année, près de 100 nouveaux accidents sont causés par des munitions non explosées au Laos, dont la moitié touchent des enfants.


Conclusion
La Plaine des Jarres concentre l’essence du Laos : une terre de légendes, marquée par l’histoire et animée par une volonté de résilience. Entre mystère archéologique et devoir de mémoire, elle oblige à ralentir, à écouter, à comprendre.
Visiter cette région, c’est aussi contribuer à un tourisme durable qui favorise le développement local. C’est une opportunité de découvrir une histoire très souvent méconnue, sensibilisant ainsi à des réalités importantes tout en soutenant les communautés.
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