Sur les rivages isolés de l’île du Sud et dans les eaux froides de l’archipel d’Auckland, une silhouette massive émerge parfois du sable. Avec sa crinière caractéristique et ses grands yeux sombres, le lion de mer de Nouvelle-Zélande (Phocarctos hookeri) intrigue autant qu’il interroge. Ce mammifère marin, endémique de la région, revient peu à peu occuper des territoires où il avait disparu. Une résurgence timide, sous haute surveillance scientifique.
Article de Damien Lafon et Photographies de Svetlana Markoff


Le lion de mer, une espèce en danger
Aujourd’hui, le lion de mer de Nouvelle-Zélande est l’un des otariidés les plus rares au monde. En effet, longtemps chassé pour sa graisse et sa fourrure, il a failli disparaître totalement des îles principales. Classé en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il ne subsiste aujourd’hui qu’environ 12 000 individus. La majorité se concentre autour des îles subantarctiques, notamment les îles Campbell et Auckland. Depuis les années 1990, quelques femelles ont commencé à mettre bas sur les côtes sud de l’île principale, un événement inédit depuis plus d’un siècle. Ces recolonisations naturelles, bien que rares, sont porteuses d’espoir.
Morphologie et comportement du lion de mer
Avec un poids pouvant atteindre 450 kg pour les mâles et une taille d’environ 2,4 mètres, les lions de mer de Nouvelle-Zélande font partie des plus grands otaries. Les femelles sont plus petites, souvent deux fois moins lourdes. Leur cycle de vie est étroitement lié aux saisons. Les accouplements ont lieu entre décembre et février, sur les plages où les mâles dominants forment des harems pouvant regrouper jusqu’à 25 femelles. Ces dernières mettent bas un seul petit par an, après une gestation différée d’environ 9 mois. Les jeunes sont allaités pendant 10 mois, parfois davantage.
Une espèce aux comportements terrestres surprenants
Contrairement à la plupart des otaries, les lions de mer néo-zélandais passent beaucoup de temps à terre, parfois à plusieurs kilomètres de la côte. Des observations récentes montrent qu’ils peuvent grimper dans les dunes, franchir des clôtures ou se reposer dans des forêts. Cette habitude terrestre a des conséquences inattendues : certains individus s’aventurent sur les routes ou dans les zones urbaines. Ces incursions posent des défis de cohabitation, mais elles rappellent aussi la mémoire écologique du territoire, où ces animaux étaient présents bien avant l’arrivée des colons européens.
Le saviez-vous ?
Les lions de mer de Nouvelle-Zélande peuvent plonger à environ 60 mètres de profondeur et rester en apnée jusqu’à 12 minutes. Leur régime alimentaire inclut des calamars, des poissons et occasionnellement des pieuvres. Ces capacités en font d’excellents prédateurs dans les eaux profondes, où peu d’otaries s’aventurent.

Quelles sont les menaces sur le lion de mer
Malgré les efforts de conservation, les menaces demeurent nombreuses. La pêche industrielle constitue l’un des principaux dangers. Les filets peuvent piéger les lions de mer lors de leurs chasses sous-marines. De plus, la compétition pour les ressources alimentaires fragilise les femelles allaitantes. Le changement climatique joue aussi un rôle indirect. Il modifie la répartition des proies, augmente la fréquence des tempêtes et perturbe les cycles reproductifs. Les chercheurs observent également une augmentation des cas de maladies bactériennes chez les jeunes, notamment le Campylobacter.
Une surveillance scientifique accrue
Pour suivre les populations, les biologistes utilisent différentes méthodes : marquages, suivis GPS, relevés génétiques. Chaque naissance sur les plages de l’île du Sud est documentée avec précision. Aujourd’hui, Les scientifiques travaillent en collaboration avec les autorités locales, les communautés maories, dont certaines voient d’un bon œil le retour de ces animaux totémiques. En effet, le Department of Conservation (DOC) néo-zélandais a mis en place un plan de gestion, incluant la protection des zones de mise bas, ainsi, des campagnes d’information pour les riverains et des mesures d’exclusion dans les zones à risque.
Coexister avec une faune retrouvée
Des nos jours, les habitants de Dunedin, Invercargill ou même de certains villages plus au nord ont dû s’adapter. Les autorités locales installent des panneaux pour signaler la présence des otaries, et des bénévoles assurent des patrouilles pour éviter les collisions routières. Certains habitants, d’abord surpris, apprennent à vivre avec cette faune qu’ils pensaient reléguée aux documentaires. À travers cette résurgence, la Nouvelle-Zélande pose la question du droit au retour des espèces dans des écosystèmes modifiés. La place du lion de mer dans le paysage est aussi culturelle : pour certaines iwi maories, il incarne la force, la patience et l’ancien lien entre l’homme et l’océan.
Le saviez-vous ?
En 2021, un lion de mer femelle baptisé “Mum” est devenu un symbole de conservation. Elle a parcouru plus de 20 km à l’intérieur des terres pour trouver un lieu de mise bas sécurisé, loin des plages fréquentées. Son histoire a sensibilisé le public à la nécessité de laisser des corridors naturels aux espèces sauvages.

Un avenir conditionné par l’action
Le sort du lion de mer néo-zélandais reste incertain. Sa lente recolonisation des plages principales témoigne d’une capacité de résilience. Toutefois, sans des efforts constants de conservation et une cohabitation respectueuse avec les humains, cette espèce unique pourrait de nouveau décliner. Il ne s’agit pas seulement de sauver une espèce emblématique, mais de restaurer une relation plus équilibrée entre nature et société. Sur les plages battues par le vent, chaque naissance est une victoire fragile. Et chaque trace de nageoire dans le sable nous rappelle que les équilibres du vivant sont aussi les nôtres.
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