Le paresseux à trois doigts, également appelé aï en Guyane française, est le représentant de la faune amazonienne. Celui-ci recueille le plus de sympathie auprès des jeunes comme des adultes. Sa lenteur et sa frimousse amicale ne sont certainement pas étrangères à sa popularité mais il possède d’autres singularités surprenantes qui en font un animal semblable à nul autre.
Article et photographies de Julien Clozeau

Une icône du bassin amazonien
Les forêts tropicales d’Amérique Centrale et du Sud abritent plusieurs espèces connues à l’échelle mondiale, comme aras, jaguars et anacondas. Le paresseux, avec son sourire distinctif, suscite une sympathie particulière et appartient à deux familles aux caractéristiques spécifiques. Les Megalonychidae ont deux griffes et six vertèbres cervicales, tandis que les Bradypodidae possèdent trois griffes et neuf vertèbres cervicales.
Appartenant à cette dernière, le paresseux à trois doigts, Bradypus tridactylus, vit au nord du continent sud-américain, de l’ouest du Venezuela et de la Colombie jusqu’au Guyana, au Suriname, en Guyane française et au nord du fleuve Amazone. Aï vient du son émis par l’animal mais ses appellations sont nombreuses : paresseux tridactyle, paresseux à gorge claire, mouton paresseux ou « parsou moutou » et « dos boulé » en créole, il s’agira toujours de lui.
Le paresseux ou l’éloge de la lenteur
La lenteur du paresseux est bien connue. Diurne et arboricole, il vit dans les forêts primaires et secondaires denses. Il recherche les essences d’arbres qu’il affectionne, se déplaçant à une vitesse de 0,6 km/h, soit 10 mètres par minute. Dans cet environnement difficile, sa lenteur et les caractéristiques de son pelage l’aident à échapper aux prédateurs. Le paresseux à trois doigts ne peut pas sauter, mais ses griffes de 5 à 6 cm compensent cette incapacité. Grâce à un système de verrouillage, ses griffes lui permettent de rester suspendu sans effort, tête en bas, plusieurs heures.
Enfin, si ses gestes sont lents, ils sont malgré tout plein d’assurance et peut-être plus surprenant encore, en effet l’animal se révèle être aussi être un excellent nageur.
Le saviez-vous ?
Le paresseux tridactyle possède neuf vertèbres cervicales alors que la moyenne est de sept chez les autres mammifères. Cette particularité lui permet de tourner la tête de 330 degrés à gauche et à droite et de l’incliner de 270 degrés vers le haut ou vers le bas pour qu’il puisse regarder droit devant lui quand il est suspendu.

Le métabolisme hors norme du paresseux à trois doigts
Chez le paresseux à trois doigts, outre ses déplacements, tout fonctionne au ralenti. Pour commencer, l’animal peut dormir jusqu’à 18 heures par jour, enroulé sur lui-même, ressemblant ainsi à une termitière. De plus, son métabolisme, deux fois inférieur à celui d’autres mammifères, génère ainsi une température corporelle variant de 23 à 32°C.
Herbivore, il peut manger un jour sur deux seulement, presque exclusivement des feuilles et des bourgeons de bois canon, Cecropia obtusa. Les feuilles coriaces sont coupées et mâchées à l’aide de 18 dents osseuses et sans émail (uniquement des sortes de canines et de prémolaires).
Un adulte ne dépasse pas les 75 cm pour un poids de 6 kg mais son estomac faisant le tiers du volume de son corps, sa digestion peut prendre un mois, ce qui explique un autre fait : il ne défèque en moyenne qu’une fois par semaine, au sol.
Le saviez-vous ?
Les fœtus de paresseux possèdent plus de dents que les adultes. Ces dents vestigiales surnuméraires, présentes au cours du développement prénatal et disparaissant à la naissance, nous apprennent ainsi que les ancêtres des paresseux avaient des incisives.
Paresseux, algues et papillons
La descente au sol du paresseux est risquée et énergivore, mais elle joue un rôle important dans son écosystème. Dans son pelage vivent des insectes, notamment des scarabées et des papillons, qui remplissent une fonction essentielle. Lorsque le paresseux défèque, les papillons pondent dans ses crottes fibreuses, fournissant une réserve alimentaire pour leurs larves.
En utilisant le même lieu pour ses selles, il favorise la prolifération des papillons, qui colonisent davantage son pelage. Son pelage, riche en azote et capable de retenir l’eau de pluie, permet aussi la croissance d’algues spécifiques. En se léchant, le paresseux consomme ces algues riches en lipides et glucides, complétant son régime alimentaire pauvre en énergie.
Des études montrent que plus son pelage accueille de papillons, plus les algues y prolifèrent, augmentant sa source de nourriture. Enfin, les reflets verdâtres de son pelage, dus aux algues, lui offrent un camouflage efficace contre ses prédateurs.
Vie et moeurs du paresseux
Le paresseux peut vivre jusqu’à 15 ans en milieu naturel et le double en captivité. La maturité sexuelle va survenir vers 4 ou 5 ans chez le mâle et à un peu plus de 3 ans chez la femelle. Il n’y a qu’un accouplement tous les deux ans qui donnera naissance à un petit par portée, après une gestation de 6 mois. Le juvénile sera sevré au bout d’un mois et commencera à s’alimenter de feuilles de Cecropia, comme sa mère, sur le dos de laquelle il vivra les 9 premiers mois de sa vie avant de partir faire sa vie de son côté.

Le saviez-vous ?
Le fossile d’un paresseux géant de 4 mètres de haut et de 4 tonnes a été découvert en Guyane en 2021. L’Eremotherium laurillardi, disparu il y a 12 000 ans, était terrestre et non arboricole comme ses descendants actuels et évoluait dans un milieu savanique.
Le paresseux à trois doigts face à ses prédateurs et aux menaces humaines
Même camouflé par les algues qui vivent dans sa fourrure et assuré de la discrétion par la lenteur de ses mouvements, le paresseux à gorge claire connaît ses prédateurs naturels qui sont principalement la harpie féroce, le plus grand rapace de la forêt amazonienne, et deux félins, le jaguar et l’ocelot. Mais vivre à proximité de l’homme peut aussi, malheureusement, lui coûter la vie. La déforestation fragmente son habitat et les routes qui traversent les forêts l’obligent à une dangereuse traversée sur l’asphalte.
Par ailleurs, il est également recherché comme animal de compagnie, où la mortalité en captivité, du fait de maladies transmises par l’homme, est importante. Tout aussi triste et dénué de sens, le paresseux peut également faire office de mascotte à l’entrée de certaines agences touristiques de Manaus, au Brésil. Toutefois, la principale menace qui pèse sur lui et qui nous concerne tous, est la savanisation du bassin amazonien liée au réchauffement climatique, dans les 30 prochaines années.
Utile pour la jungle en contribuant à la fertilisation des sols, le paresseux occupe une place importante dans son écosystème mais c’est aussi l’animal que beaucoup rêvent de croiser un jour au détour d’un sentier.
Aujourd’hui, bien que sa situation ne soit pas critique, les changements rapides de son environnement représentent une menace importante. Préserver l’Amazonie revient à protéger l’un des derniers grands réservoirs de biodiversité encore présents sur notre planète. Il est essentiel d’agir collectivement pour que ce sourire emblématique continue de briller sous la canopée, pour les générations futures.

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