Dans l’aridité des hauts plateaux andins, une petite silhouette surgit entre deux blocs de pierre. Oreilles dressées, corps immobile, elle se fond dans le décor. Il faut apprendre à regarder lentement pour le distinguer. En effet le viscacha n’attire pas l’attention. Pourtant, il veille. Présent dans les Andes comme dans les plaines d’Argentine, ce discret rongeur vit au rythme du vent, du froid et des crevasses.
Article de Damien Lafon photographies Svetlana Markoff

Le viscacha des Andes : un rongeur à l’identité bien marquée
On confond souvent le viscacha avec un lapin des montagnes. Pourtant, il s’agit d’un rongeur, cousin du chinchilla, appartenant à la famille des Chinchillidae. Deux espèces sont principalement connues : le viscacha de montagne (Lagidium viscacia) et le viscacha des plaines (Lagostomus maximus). Le premier vit dans les hauteurs rocheuses du Pérou au nord de l’Argentine, alors que le second préfère les steppes sèches du centre de l’Argentine.
Leur morphologie diffère légèrement, mais ils partagent une caractéristique commune : une incroyable capacité d’adaptation à des environnements extrêmes.
Mode de vie du viscacha : entre immobilité et vigilance
Le viscacha est un animal crépusculaire. Il sort au lever du jour ou au coucher du soleil, selon la température. Le reste du temps, il reste dans son abri ou s’expose brièvement pour se réchauffer. Lorsqu’il est visible, il donne l’impression de méditer. En réalité, il guette.
Sa nourriture se compose principalement d’herbes, de lichens, de racines et de mousses. Peu exigeant, il consomme ce que son environnement aride peut lui offrir. Il vit en groupe, parfois en colonie. Les individus communiquent par des sifflements et des mouvements rapides. Les plus jeunes jouent quand les adultes montent la garde.
Le viscacha de montagne : maître des hauteurs andines
À plus de 4 000 mètres d’altitude, le viscacha de montagne vit entre les pierres. Il bondit de roche en roche, grimpe les pentes raides, se cache dans les fissures. Sa fourrure épaisse le protège du froid. Ses pattes postérieures, longues et puissantes, facilitent les sauts. Ses coussinets, larges, l’aident à adhérer aux surfaces irrégulières.
Il n’hiberne pas, mais adapte ses activités selon la saison. Lors des nuits les plus glaciales, il reste blotti contre ses congénères dans les abris rocheux.
Le viscacha des plaines : architecte souterrain
Moins connu que son cousin montagnard, le viscacha des plaines possède une organisation sociale étonnante. Il vit dans des galeries creusées dans le sol, formant de véritables villages souterrains. Chaque terrier peut abriter plusieurs dizaines d’individus.
Les entrées des galeries sont souvent entourées de petits monticules de terre, signalant une activité intense. Le sol y est parfois jonché d’objets végétaux que les viscachas déplacent ou stockent. Certains chercheurs parlent de « culture matérielle » primitive, tant leur organisation semble réfléchie.
Le saviez-vous ?
Certains viscachas vivent à plus de 5 000 mètres, dans des conditions proches de celles des alpinistes humains.

Les adaptations physiologiques du rongeur à son environnement
Le viscacha a évolué dans des milieux secs, ventés, froids ou brûlants selon la saison. Sa physiologie est adaptée à cette vie d’endurance. Il possède :
- une respiration efficace à haute altitude,
- une température corporelle stable malgré les écarts thermiques,
- un pelage isolant et autonettoyant,
- une digestion lente, idéale pour les végétaux pauvres.
Chaque détail de son corps semble répondre aux défis de son milieu. Sa stratégie ? Ne pas gaspiller d’énergie !
Le rôle écologique de la viscache dans les écosystèmes andins
Le viscacha joue un rôle discret mais important. Ses activités de fouissage aèrent les sols. En mangeant certaines plantes, il contribue à la régulation des espèces végétales. En transportant graines et matières, il facilite la dispersion de certaines plantes.
De plus, il est une proie pour plusieurs espèces : aigles, renards, pumas. Sa présence dans un écosystème peut indiquer une certaine stabilité écologique.
Les menaces actuelles sur le viscacha et son habitat
Le viscacha n’est pas une espèce classée en danger par l’UICN, mais son habitat évolue. Dans les plaines, le surpâturage des troupeaux domestiques appauvrit la végétation. Dans les Andes, l’exploitation minière, le développement routier ou l’expansion touristique réduisent ses zones de repli.
De nos jours, dans certaines régions, il est encore chassé, bien que cette pratique ait diminué. Sa peau et sa viande étaient autrefois recherchées. Aujourd’hui, c’est surtout la disparition progressive de ses territoires qui inquiète les scientifiques.
Une menace dans les récits des Andes
Dans les communautés andines, le viscacha apparaît parfois dans les récits oraux. En effet, sa présence, souvent silencieuse, est interprétée comme un signe. Il est vu comme un animal attentif, capable de disparaître à la moindre alerte. Certains le considèrent comme un protecteur des lieux sacrés, ou un messager discret du monde sauvage.
Il symbolise la patience, la discrétion, l’ancrage dans un territoire hostile mais vivant. Ces interprétations culturelles rejoignent l’observation scientifique : le viscacha est un indicateur, un témoin, un veilleur.
Le saviez-vous ?
Les terriers de viscachas abritent parfois d’autres animaux, comme des reptiles ou des oiseaux, qui profitent de ces structures déjà creusées.

Viscacha et regard contemporain : ce que son étude révèle
C’est pourquoi, étudier le viscacha, c’est se confronter à une autre échelle de temps. Ce n’est pas un animal spectaculaire, mais un être qui s’inscrit dans la lenteur des cycles naturels. Dans un monde où la vitesse et la visibilité dominent, il rappelle que d’autres formes de présence existent.
Les chercheurs continuent d’observer ses comportements pour comprendre l’évolution des écosystèmes andins. Le viscacha n’a pas encore livré tous ses secrets.
Apprendre à voir et à écouter les pierres
Le viscacha ne se montre pas facilement. Il faut s’arrêter, observer, laisser le paysage reprendre son rythme. Cependant, ce rongeur discret est l’un des nombreux visages d’une nature qui ne crie pas, mais qui agit. Il habite les roches comme d’autres habitent des villes. Il veille, patiemment.
Sur une crête ou dans une plaine, quand le vent se lève, il est peut-être là. Un regard vif, un souffle court, un saut soudain… Le viscacha nous rappelle que l’équilibre se cache souvent dans ce qui ne fait pas de bruit.
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