À Kota Kinabalu, capitale de l’État de Sabah en Malaisie, une communauté maritime maintient un lien profond avec la mer. Les Bajau, parfois qualifiés de « nomades de la mer », habitent cette région depuis des générations. Si certains ont conservé un mode de vie itinérant, d’autres se sont sédentarisés et vivent dans des villages côtiers. Aujourd’hui, ils doivent s’adapter aux transformations économiques et environnementales tout en préservant leurs traditions.
Article et photographies de Damien Lafon.

Les Bajau, des origines maritimes à une nouvelle sédentarisation
Les Bajau ont longtemps occupé les eaux de l’archipel malaisien et philippin, vivant à bord de leurs embarcations et se déplaçant en fonction des ressources marines. Leur mobilité leur permettait d’échanger avec d’autres populations, intégrant ainsi un réseau commercial maritime structuré. Ce mode de vie itinérant était adapté aux défis imposés par la mer et aux besoins de subsistance de leurs communautés.
Avec le temps, certaines familles se sont installées sur les côtes de Bornéo, notamment à Kota Kinabalu. La proximité des marchés et des infrastructures urbaines a facilité cette transition. Progressivement, elles ont adopté un mode de vie plus stable, construisant des habitations sur pilotis et développant des activités économiques locales. Aujourd’hui, la pêche et l’artisanat restent essentiels à leur quotidien, bien que d’autres opportunités, comme le tourisme, offrent des alternatives.
Un savoir-faire maritime qui évolue avec le temps
Les Bajau de Kota Kinabalu ne vivent plus tous sur l’eau, mais leur connaissance des marées, des courants et des espèces marines reste précieuse. Si la pêche en apnée décline, la navigation traditionnelle et la construction des bateaux « lepa-lepa » témoignent toujours de leur expertise. Ces embarcations, utilisées pour les cérémonies culturelles comme le Regatta Lepa, sont devenues un symbole identitaire fort.
Toutefois, les réglementations sur la pêche et l’évolution des techniques modifient leur quotidien. Les filets modernes et la motorisation des bateaux facilitent l’accès aux ressources, mais posent aussi des défis. La concurrence avec la pêche industrielle et les restrictions environnementales nécessitent des ajustements constants. Malgré ces changements, certains Bajau continuent de transmettre leurs savoirs aux jeunes générations, assurant ainsi la pérennité de leur culture maritime.
Un habitat soumis à des pressions environnementales croissantes
Les villages sur pilotis des Bajau, construits au bord de l’eau, subissent directement les effets des transformations du littoral. L’urbanisation rapide de Kota Kinabalu et l’augmentation du niveau de la mer menacent leur mode de vie. L’érosion côtière fragilise les habitations, et certaines familles doivent reconstruire régulièrement leurs maisons.
Par ailleurs, les infrastructures modernes ne sont pas toujours adaptées à leurs besoins. L’accès aux services publics reste limité, et les opportunités économiques se concentrent principalement dans le secteur urbain. Pour certaines familles, la transition vers une vie citadine représente une nécessité plus qu’un choix. Toutefois, ce changement entraîne aussi une perte progressive de certaines pratiques culturelles liées à la mer.
Le saviez-vous ?
Aux Philippines, de nombreux Bajau sont considérés comme apatrides, ce qui complique leur accès aux services publics et leur intégration. Malgré des lois protégeant les peuples autochtones, la marginalisation et les difficultés administratives entravent encore la reconnaissance de leurs droits

Pollution et conservation marine : des enjeux majeurs
Le développement urbain et touristique de Kota Kinabalu entraîne une accumulation de déchets dans les zones côtières. La pollution plastique affecte directement les Bajau, qui dépendent des ressources marines pour leur subsistance. Filets de pêche abandonnés, emballages et microplastiques contaminent les eaux où ils naviguent et pêchent. Cette dégradation impacte la biodiversité locale et menace leur sécurité alimentaire.
Face à ces défis, certaines initiatives locales émergent. Des membres de la communauté participent à des programmes de nettoyage des plages et des mangroves. D’autres sensibilisent à l’importance de la réduction des déchets plastiques. Ces actions permettent de préserver leur environnement immédiat, mais elles nécessitent un soutien plus large pour être réellement efficaces.
La conservation marine devient un enjeu crucial pour ces populations. La préservation des récifs coralliens, qui servent d’habitat à de nombreuses espèces, conditionne l’équilibre écologique dont dépend leur mode de vie. Certaines associations travaillent avec les Bajau pour protéger ces écosystèmes fragiles. La mise en place de pratiques de pêche durable et la limitation des déchets plastiques figurent parmi les priorités pour assurer un avenir viable à ces communautés maritimes.
La culture des Bajau en mutation mais toujours vivante
Malgré les défis, les Bajau continuent de valoriser leur héritage culturel. La musique, la danse et l’artisanat occupent une place importante dans leur identité. Le Regatta Lepa, qui célèbre leur lien avec la mer, demeure un événement clé à Kota Kinabalu. Cette fête met en avant les traditions de navigation et les compétences artisanales des Bajau, tout en attirant l’attention sur leur situation actuelle.
Par ailleurs, l’adaptation aux nouvelles réalités économiques passe par une diversification des activités. Certains Bajau se tournent vers le commerce, le tourisme ou d’autres métiers urbains. Cette transition leur permet de mieux s’intégrer dans la société malaisienne tout en conservant une partie de leur identité maritime.
Préserver une identité face aux transformations actuelles
Les Bajau de Kota Kinabalu illustrent la complexité des évolutions culturelles et environnementales dans les régions côtières d’Asie du Sud-Est. Entre attachement aux traditions et adaptation aux réalités modernes, ils cherchent un équilibre. La reconnaissance de leur savoir-faire et de leur histoire pourrait jouer un rôle clé dans leur avenir.
Soutenir des initiatives locales en faveur de la conservation marine et de la gestion des déchets permettrait d’améliorer leurs conditions de vie. Une meilleure prise en compte de leurs besoins dans les politiques publiques pourrait aussi favoriser leur intégration sans effacer leur identité. En combinant préservation culturelle et engagement écologique, les Bajau pourraient trouver une voie durable pour les générations futures.
Le saviez-vous ?
Selon une étude publiée en 2018 dans la revue Cell (Ilardo et al.), les Bajau, nomades de la mer en Indonésie, possèdent une rate 50 % plus grande que la moyenne. Cette adaptation leur permet de stocker plus d’oxygène et de prolonger leurs plongées en apnée jusqu’à 13 minutes.


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