Dans les grandes étendues ouvertes d’Amérique, un rapace se distingue par son comportement, sa silhouette et ses choix alimentaires. Le caracara, souvent appelé “aigle caracara” à tort, appartient en réalité à la famille des faucons. Ce prédateur opportuniste incarne une forme d’intelligence et d’adaptation peu fréquente chez les rapaces.
Article de Damien Lafon et Photographies de Svetlana Markoff

Une classification encore mal comprise
Malgré son apparence évoquant celle d’un aigle, le caracara ne fait pas partie de la famille des Accipitridés. Il appartient au genre Caracara au sein des Falconidés, comme les faucons et les crécerelles. L’espèce la plus connue, Caracara plancus, porte plusieurs noms : caracara huppé, caracara à gorge blanche ou encore caracara du sud.
On trouve également Caracara cheriway, appelé caracara du nord ou caracara à tête jaune. Présent du sud des États-Unis jusqu’à l’Amérique centrale, il occupe les plaines semi-ouvertes, les marais ou les zones agricoles.
Les chercheurs s’accordent sur un point : le caracara occupe une place à part dans le règne des rapaces. Son comportement social, sa démarche au sol et son régime alimentaire le rendent atypique.
Le Caracara, un oiseau terrestre et rusé
Contrairement aux autres faucons qui chassent en vol, le caracara se déplace fréquemment au sol. Il marche, court, ou fouille les carcasses comme le ferait un corvidé. Sa démarche lente mais décidée lui permet d’explorer les abords des routes, les abattoirs ou les dépotoirs.
Doté d’un bec crochu et de serres puissantes, il préfère pourtant le charognage à la prédation. En effet, il s’alimente de restes d’animaux, d’insectes, d’œufs, de petits reptiles ou de jeunes oiseaux. Son régime alimentaire flexible en fait un véritable opportuniste écologique.
Plusieurs études, notamment au Texas et au Mexique, ont observé des comportements d’intimidation. Le caracara repousse parfois d’autres charognards comme les vautours à tête rouge ou les urubus noirs pour s’approprier une carcasse.
Une intelligence remarquable
Des chercheurs en éthologie animale ont souligné la plasticité cognitive du caracara. Ainsi, l’université de Cornell a mené une série de tests montrant que cet oiseau sait résoudre des problèmes simples, utiliser son bec comme outil ou contourner des obstacles pour accéder à une source de nourriture.
Son comportement rappelle celui des oiseaux considérés comme les plus intelligents, tels que les corneilles ou les pies. Certains caracaras ouvrent des sacs-poubelles avec précision, soulèvent des couvercles ou coopèrent en couple pour voler des proies à d’autres espèces.
Ces observations, bien qu’encore peu documentées, suscitent un intérêt croissant chez les ornithologues.
Le saviez-vous ?
Bien que classé parmi les faucons, le caracara ne chasse presque jamais en piqué. Il préfère la ruse et l’opportunisme.

Une envergure modeste, un plumage contrasté
Le caracara mesure entre 50 et 65 cm de long. Son envergure varie de 110 à 130 cm. Son plumage noir, brun et blanc présente des motifs nets : calotte noire, cou blanc, ailes sombres bordées de blanc. Le bec gris bleuté se termine par une pointe noire. Ses pattes longues et robustes lui assurent une bonne stabilité au sol.
Son cri, rauque et guttural, évoque parfois celui d’un perroquet. Il s’agit d’un signal de communication souvent émis en groupe.
Durant les parades nuptiales, les couples se livrent à des démonstrations bruyantes et des vols synchronisés. Le couple reste uni plusieurs saisons, voire à vie.
Un territoire vaste, une nidification opportuniste
Le caracara établit son territoire dans des zones ouvertes : savanes, pâturages, déserts côtiers ou mangroves. On le trouve jusqu’à 3000 mètres d’altitude dans les Andes ou les plateaux mexicains.
Le couple construit un nid rudimentaire, souvent placé en hauteur dans un arbre, un cactus ou un poteau électrique. Il est fait de branches, de végétaux et parfois de plastique ou de tissu.
La femelle pond entre un et trois œufs. Ainsi, les deux adultes se relaient pour l’incubation, qui dure environ 30 jours. Les jeunes restent au nid pendant six à huit semaines avant de s’envoler.
Le caracara, une espèce visible, mais sous surveillance
Classé comme “préoccupation mineure” par l’UICN, le caracara ne bénéficie pas d’une protection renforcée à l’échelle mondiale. Pourtant, la destruction de son habitat, la pollution et les collisions routières représentent des menaces croissantes.
Cependant, dans certaines régions, comme en Floride ou dans le sud du Brésil, les populations locales ont diminué. Les campagnes de sensibilisation et de suivi par balises GPS se multiplient.
Des ONG ont lancé des programmes d’observation participative, notamment aux États-Unis, pour mieux cerner ses habitudes, ses migrations et ses zones sensibles.
Le saviez-vous ?
Le caracara peut vivre jusqu’à 25 ans en captivité, mais en milieu naturel, son espérance de vie reste plus courte, autour de 12 à 15 ans.

Une place dans les mythes et les cultures
Dans les Andes, les caracaras apparaissent dans certaines légendes où ils incarnent des esprits de la terre ou des messagers. Leur comportement charognard, mal compris, leur a parfois valu une réputation ambivalente.
Bien que chez les peuples indigènes d’Amazonie, certains récits les associent à la vigilance, à l’endurance ou à l’intelligence. Le peuple Mapuche, au Chili, évoque leur vol lent mais persistant comme symbole de patience.
Dans la culture populaire mexicaine, le caracara figure sur les armoiries nationales sous une forme stylisée proche de l’aigle royal. Cette confusion témoigne de sa présence forte dans l’imaginaire collectif.
Le caracara, symbole d’adaptation
De nos jours, le caracara, souvent confondu avec un aigle, révèle une facette méconnue du monde des rapaces. Ni prédateur strict, ni simple charognard, il navigue entre deux mondes. Son intelligence, sa flexibilité et sa capacité à évoluer dans des milieux perturbés en font un acteur important des écosystèmes ouverts d’Amérique.
Comprendre le caracara, c’est repenser notre vision des oiseaux de proie. Non plus comme des figures figées de la puissance, mais comme des espèces adaptatives, ancrées dans leur environnement, et capables d’évoluer au fil des défis imposés par l’homme et la nature.
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