Dans la région de Kuhmo, à l’est de la Finlande, les forêts de la taïga s’étendent jusqu’à la frontière russe. C’est dans ce territoire vaste et préservé que vit l’un des plus grands prédateurs d’Europe : l’ours brun (Ursus arctos). Pour l’observer dans son milieu naturel, le photographe animalier portugais Nuno Silva a passé plusieurs jours en immersion, accompagné d’un guide local. Une précaution essentielle pour garantir sa sécurité, mais aussi pour éviter toute perturbation de la faune sauvage.
Article de Damien Lafon et photographies de Nuno Silva.

Un omnivore puissant et discret
L’ours brun européen mesure entre 1,80 m et 2,80 m debout. Son poids varie généralement entre 350 kg et 550 kg, selon le sexe, l’âge et la saison. Massif, il n’en reste pas moins étonnamment agile et silencieux. Son alimentation est majoritairement végétarienne : baies, racines, herbes, champignons. Mais il consomme également des insectes, du poisson, des carcasses, et à l’occasion, de petits mammifères.
Doté d’un odorat extrêmement développé, il peut détecter une source de nourriture à plusieurs kilomètres. Cette acuité sensorielle compense une vision moyenne et une ouïe fine. L’ours brun est un animal opportuniste, capable de modifier son comportement en fonction des ressources disponibles.
« L’ours incarne à la fois la puissance et la prudence. Il reste très méconnu du grand public, alors qu’il joue un rôle écologique essentiel », explique Nuno Silva, qui photographie les grands prédateurs européens.
Capacités cognitives et comportements sociaux
Parmi les carnivores terrestres, l’ours brun possède l’un des cerveaux les plus volumineux rapporté à sa taille corporelle. Des études récentes ont mis en évidence des comportements complexes, comme l’usage d’outils, notamment pour retourner des pierres ou atteindre certains aliments. Ces aptitudes traduisent une intelligence remarquable et des capacités d’adaptation élevées.
Espèce majoritairement solitaire, l’ours brun peut néanmoins se regrouper en nombre autour de sources de nourriture abondantes, comme les frayères à saumon. Dans ces contextes, une hiérarchie sociale s’installe, souvent dictée par la taille et l’âge des individus.
Un rôle clé dans l’écosystème
L’ours brun participe à l’équilibre de la forêt boréale. En tant que charognard, il accélère la décomposition des carcasses et limite la propagation des maladies. Il contribue aussi à la dispersion des graines par ses excréments, favorisant la régénération végétale. Certaines études soulignent même son rôle indirect dans la structuration des communautés de rongeurs et d’insectes.
À l’automne, l’animal entre dans une phase d’hyperphagie, absorbant jusqu’à 20 000 calories par jour pour constituer des réserves de graisse. Il se prépare ainsi à l’hibernation, qui dure généralement de novembre à avril. Contrairement à une croyance tenace, l’ours ne dort pas profondément : il peut se réveiller si les températures varient fortement.
Le saviez-vous ?
Les forêts finlandaises absorbent environ 21 millions de tonnes de CO₂ par an.
Ces écosystèmes boréaux jouent un rôle crucial dans la régulation climatique, tout en abritant de nombreuses espèces comme l’ours, le lynx, le glouton et le loup. Leur préservation est essentielle à l’équilibre global.


Une approche éthique de l’observation
Dans les forêts du Kuhmo, les signes de présence sont nombreux mais discrets : empreintes, griffures, crottes remplies de baies. Pour espérer apercevoir l’animal, Nuno Silva a installé un affût dans une clairière fréquentée. Il y reste plusieurs heures, dans le silence, à bonne distance. Aucune nourriture n’est utilisée pour attirer l’animal.
« Je refuse de forcer la nature. Mon travail repose sur la patience, le respect et la discrétion », confie-t-il.
L’apparition est brève, mais saisissante : un mâle traverse lentement la clairière, renifle le sol, puis disparaît entre deux bouleaux. Quelques clichés suffisent à capturer l’instant, sans intrusion.
Des menaces persistantes
En Finlande, la population d’ours est estimée à environ 2 000 individus. Ce chiffre reste stable, notamment grâce à une politique de conservation active et à la présence de vastes forêts peu peuplées. Toutefois, la fragmentation des habitats, causée par les routes forestières ou l’exploitation du bois, réduit leur liberté de déplacement et augmente les risques de conflits avec l’humain.
Le changement climatique modifie aussi leur rythme biologique. Des hivers plus courts et des printemps précoces perturbent la disponibilité des ressources comme les baies. Cela entraîne une hausse des interactions avec les humains, notamment dans les zones rurales.
Coexister avec le sauvage
Certaines initiatives d’écotourisme, encadrées, permettent d’observer les ours sans perturber leur environnement. Des refuges spécialisés organisent des sessions d’observation à distance, dans le respect des cycles biologiques de l’animal. Cela représente une source de revenu complémentaire pour les communautés locales, tout en valorisant la biodiversité.
Mais la cohabitation implique des règles : limiter l’accès aux zones sensibles, former les guides, sensibiliser les visiteurs. La conservation ne peut réussir sans un engagement partagé entre scientifiques, habitants, autorités et observateurs responsables.
Le saviez-vous ?
Un ours brun adulte peut parcourir jusqu’à 40 kilomètres en une seule journée.
Il emprunte souvent les mêmes sentiers, marquant son territoire avec des griffures et des phéromones. Ces déplacements sont essentiels pour se nourrir, éviter ses congénères ou chercher un partenaire.

Suivez-nous sur Instagram et Facebook pour rester informé et soutenez notre média via www.helloasso.com
Cet article peut vous intéresser: https://terra-cultura.com/le-dingo-un-predateur-emblematique-de-laustralie/